Voilà, c'est Sarkozy 2
Pierre Sellal, le représentant permanent de la France
à Bruxelles raconte, encore ébloui, le vote final du
dernier Conseil européen sous présidence française,
l’ultime moment où les Vingt-Sept doivent s’accorder sur
les conclusions des experts dans les cinq domaines mis
à leur programme par la France : trente pages écrites
dans un jargon mi-anglais, mi-français. Une mauvaise
synthèse des compromis. « Sur le dossier climat, qui
devait selon Nicolas Sarkozy faire de l’Europe le
champion de la lutte contre le réchauffement climatique,
j’ai admiré la façon dont il se l’est approprié. Il a passé
des heures à négocier avec les Polonais, les Tchèques,
les Slovaques, avec Angela Merkel, à accepter des
compromis pour les convaincre de conclure. » Il
poursuit : « Ce jour-là, nous nous réunissons tous à
9 heures. Le Président m’annonce : “A midi tout doit être
terminé.” Je lui réponds : “Monsieur le Président, il
faudrait d’abord donner au moins dix minutes aux
délégations pour qu’elles aient le temps de lire le texte.”
Il me répond : “Pas question on commence tout de suite,
mettez-vous à côté de moi.” On était à peine à la page 3
que tout le monde levait la main. Les chefs de
gouvernement n’y comprenaient rien. Chacun rajoutait
des amendements sur la suggestion de son conseiller
technique. Je lui passais des bouts de papier avec des
arguments pour répondre. Il les repoussait en me disant :
“Non, on continue.” Avec un culot incroyable, il a houspillé
tout le monde. Quelqu’un levait le doigt, il le rabrouait.
Les gens autour de la table étaient abasourdis. Et lui, il
avançait à la hussarde. Au bout d’une heure et demie, on
avait passé en revue les trente pages. Et c’est là qu’il a
conclu tout sourire : “Bon, puisque je vois que tout le
monde est d’accord, on signe.” Eh bien figurez-vous que
tout le monde s’est levé… pour l’applaudir. Une véritable
ovation. Tous étaient contents de terminer sur une note
positive. Et tous ont signé, heureux au fond de s’être faits
violenter. Ça, c’est Sarkozy. »
En tant que doyen, Silvio Berlusconi prend la parole
pour saluer « l’extraordinaire présidence française ». La
fascination l’a donc emporté sur l’agacement. « Il a
présidé avec brio », ajoute Gordon Brown.
« Lorsque Nicolas Sarkozy a pris la présidence de
l’Union, note Alain Lamassoure, tout le monde ressentait
le besoin d’un leader. Et il l’a été. Comme personne, il
sait motiver les gens pour faire avancer les dossiers.
Comme personne, il sait convaincre. Tous l’ont admiré,
mais ils ne sont pas tombés amoureux. Ses manières,
ses aspérités, les ont parfois chiffonnés car il peut
balancer des vacheries, mais le bateau européen
affrontaient les quarantièmes rugissants, on n’allait tout
de même pas reprocher au skipper d’avoir mauvais
caractère. » Cet ex-giscardien va même plus loin : « Il a
des qualités sur la scène internationale que je n’ai
connues à aucun autre. Ce qu’il a fait comme président
de l’Union, aucun, pas même Giscard, n’aurait été
capable de le faire. »
Extrait de "L'impétueux" de Catherine Nay